Le Versailles de
Claire Bonnotte Khelil

Découvrez « Le Versailles de » Claire Bonnotte Khelil, collaboratrice scientifique au château de Versailles.

Sa biographie 

Diplômée d’études supérieures de l’École du Louvre et docteur en histoire de l’art de l’Université Paris Nanterre, Claire Bonnotte Khelil a travaillé à l’Institut national d’Histoire de l’art de Paris avant d’intégrer le service des expositions du château de Versailles. Depuis 2017, elle a rejoint la conservation du musée comme collaboratrice scientifique rattachée au service de la recherche appliquée aux collections. En 2018, elle a publié son premier ouvrage Le Soleil éclipsé. Le château de Versailles sous l’Occupation (co-édition Vendémiaire-château de Versailles) et assuré le co-commissariat de l’exposition Versailles Revival 1867-1937 l’année suivante.

Ses coups de cœur

  • Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ? 
    Il est difficile de répondre à la question… alors sans trop réfléchir, je choisis les galeries de peinture de l’attique nord. Tout d’abord, par le fait qu’elles sont excentrées, éloignées de l’agitation des Grands Appartements. C’est un lieu où il est bon de se poser, de regarder, d’admirer. L’odeur de ces salles est absolument indescriptible. C’est un mélange de vieux bois, de cire, de chiffons d’antan. Au-delà des tableaux des XIXe et XXe qui y sont exposés, de très belles œuvres pour certaines, il y a ce plaisir tout simple de les (re)découvrir en ouvrant un volet. Prendre le temps de regarder par la fenêtre, et observer le spectacle des jardins, différents selon les saisons. Se promener dans les attiques, c’est aussi prendre de la hauteur sur Versailles.
  • Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?
    Encore une fois, le choix est cornélien… Mais s’il faut n’en retenir qu’une, je vous emmène du côté de l’Orangerie, où se trouve une œuvre monumentale totalement insolite : la cuve de l’ancien appartement des Bains de Louis XIV. C’est un objet absolument incroyable, qui personnellement me fait beaucoup rêver, même si l’emplacement où il se trouve n’est pas vraiment propice à une baignoire. Son histoire est totalement rocambolesque, puisque cette cuve monolithe, après avoir servi aux bains du Roi-Soleil et de sa maîtresse Madame de Montespan, a été sortie du château au siècle suivant pour être roulée jusque dans les jardins de la propriété de l’Ermitage de Madame de Pompadour... Au tournant du XXe siècle, elle est achetée par Robert de Montesquiou et Gabriel de Yturri, amoureux de son marbre, mais surtout de son sulfureux symbole, qui la déménagent tour à tour au Pavillon des muses à Neuilly-sur-Seine puis au Palais Rose, réplique du Grand Trianon au Vésinet. Dans les années 1930, le musée parvient à la racheter, après bien des années d’errance. Incroyable, non ?

La cuve de l’ancien appartement des Bains de Louis XIV à l'Orangerie

  • Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux… Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?
    Ayant commencé très tôt à travailler au château, j’ai plus d’un souvenir en mémoire… Les dix ans passés au service des expositions m’ont cependant beaucoup marquée, notamment en termes d’adrénaline ! Pour retenir un exemple, je me souviendrai toute ma vie du montage de l’exposition de l’artiste japonais Takashi Murakami, tout particulièrement de la mise en place d’une œuvre gigantesque, Mister Pointy dans le salon d’Hercule. Nous avons commencé les opérations le dimanche soir, qui se sont prolongées jusque tard dans la nuit suivante. Avec la fatigue, je voyais cette immense figure totémique, coiffée d’une pointe aussi élancée qu’une flèche de cathédrale, comme transperçant le plafond de Lemoyne ce qui n’était, fort heureusement, qu’une hallucination.

Ses conseils de lecture

  • Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?
    Versailles occupe, bien évidemment, plusieurs rayonnages de ma bibliothèque. Mais l’ouvrage dont je me sers le plus est celui de Pierre Verlet, intitulé simplement Versailles. Je possède l’édition de 1961, dédicacée de l’auteur, héritée de mon grand-père maternel. Sans compter mon attachement pour l’objet même, pourtant bien usé, je considère ce livre comme une véritable bible. Il est rare que je n’y trouve pas l’information cherchée, de façon sûre et rapide. Le style est simple, sans fioriture. Un modèle du genre.
  • Classique, récit d’aventures, beau-livre… Incontournable de votre bibliothèque ou récente découverte, auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?
    Travaillant depuis plusieurs années sur l’histoire du château sous la Seconde Guerre mondiale, j’ai appris à mieux connaître le rôle de certaines figures de l’époque, notamment celui de la résistante Rose Valland, attachée de conservation au Jeu de Paume pendant l’Occupation. Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’ouvrage, je recommande tout particulièrement la lecture de son livre intitulé Le Front de l’Art. Défense des collections françaises 1939-1945, publié par cette dernière en 1960, mais dont on trouve des rééditions plus récentes très facilement. Grâce à son courage, un grand nombre d’œuvres spoliées à des collectionneurs juifs ont pu leur être restituées après le conflit. C’est un texte fondamental pour la connaissance du patrimoine français durant la dernière guerre.

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