Le Versailles
d'Antoine Jacobsohn

© Jean-Charles Vaillant

Découvrez « Le Versailles de » Antoine Jacobsohn, responsable du Potager du Roi.

Sa biographie

Né aux Etats-Unis, Antoine Jacobsohn entame ses études d'agronomie à Cornell University (New York). Il poursuit sa formation en France et travaille sur l'histoire de la production et de la consommation alimentaire à l'université Paris VIII (Vincennes et Saint-Denis) et à l'École des hautes études en sciences sociales (Paris). Il a participé à l'Inventaire du patrimoine culinaire de la France (Albin Michel), pour lequel il a travaillé sur les fruits et les légumes, et a été responsable de la bibliothèque de la Société nationale d'horticulture de France. Entre 2007 et 2019 il a été responsable du Potager du Roi à l'École nationale supérieure de paysage, à Versailles. Depuis 2020 il est adjoint au directeur de l’École de paysage, en charge du Potager du Roi. Ses travaux de recherche explorent les relations entre l’histoire des plantes et les pratiques contemporaines de production et de consommation. Il a notamment publié Le potager du roi : Dialogues avec la Quintinie (Artlys, 2017).

Ses coups de cœur

  • Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ?

À l’interface de la ville et du parc, lieu de formation et de production, lieu de recherche et de créativité, un festival des sens, je continue d’être émerveillé par le Potager du Roi, site historique de l’École nationale supérieure de paysage. C’est un espace spécifique qui conjugue l’urbain et la nature, des colloques scientifiques et des fêtes populaires, l’agréable et l’utile. C’est un des rares lieux de Versailles où il est encouragé de repartir avec un morceau physique de sa mission d’origine : un fruit, un légume. Un morceau qu’il faut déguster en étant ouvert aux sensations et aux réflexions sur le passé, le présent et le futur. Ces produits sont parfois des variétés anciennes et parfois des variétés nouvelles, mais tous sont issus de ce terroir dont la création a été commencée au XVIIe siècle et qui continue d’être cultivé aujourd’hui par des jardiniers d’excellence.  À la fois lieu de tradition agronomique et lieu de rayonnement de l’école française du paysage. Je continue d’être surpris et inspiré par le lieu de mon travail.

  • Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?

Au pied des Cent marches Est, sur les deux piliers qui encadrent la grille, il y a des sculptures qui datent de 1687. Un ensemble représente Zéphire et Flore (par Louis Le Conte), l’autre Vertumne et Pomone (par Pierre 1er Legros). C’est cette dernière qui m’intéresse particulièrement. L’emplacement est remarquable, c’est-à-dire le fait de terminer l’Orangerie et commencer l’extension vers le Potager par le dieu romain des saisons et la déesse des fruits. Mais c’est l’histoire même et la manière dont cette sculpture la représente à laquelle je suis particulièrement sensible. Vertumne enlève son masque de vieille femme pour se révéler et regarder en face la nymphe Pomone. Un homme qui traverse les âges de la vie et les genres, mais qui finalement ne séduit qu’en enlevant ses masques. C’est le cycle des saisons.

Vertumne et Pomone par Pierre 1er Legros

  • Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux … Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?

Né aux Etats-Unis d’Amérique, je venais en France l’été pour voir mon grand-père et mes cousins. Je devais avoir 8 ou 10 ans quand mon grand-père a voulu amener la bande d’enfants à Versailles. Il faisait chaud. Je ne me souviens que du fait que c’était immense, épuisant et qu’en remontant les Cents Marches (celles à l’Ouest), j’ai juré de ne plus jamais revenir.

Ses conseils de lecture

  • Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?

Incontournable ? Dans mon cas, je vais me limiter aux Parcs et jardins et inciter à la découverte de deux documents remarquables accessibles en ligne. Le premier de F. H. Philippar, Catalogue méthodique des végétaux cultivés dans le jardin des plantes de la ville de Versailles, précédé par une Notice historique sur les jardins royaux et sur les jardins particuliers de Versailles, sur les hommes qui, dans la botanique et dans l’horticulture, ont rendu des services à la ville (Versailles, Imprimerie de Montalant-Bougleux, 1843). Ce livre permet de découvrir l’histoire des jardins de Versailles à travers un jardinier devenu botaniste et professeur remarquable. L’approche dépasse le domaine du Château et inclus les relations avec le territoire municipal.
Quant au second, il s’agit de Versailles : lecture d’un jardin, 1983 (Michel CORAJOUD, Jacques COULON, Marie-Hélène LOZE, Dunod, 1983). Comment est-ce que des paysagistes-concepteurs contemporains se saisissent des créations de leurs prédécesseurs ? Cet article témoigne de la capacité des paysagistes d’aujourd’hui de dépasser les lectures historiques et simplement symbolique pour comprendre les changements.

Classique, récit d’aventures, beau-livre… Incontournable de votre bibliothèque ou récente découverte, auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?

Deux textes m’ont récemment touché.
Le court roman écrit en japonais par la coréenne Yu Miri : Sortie parc, gare d’Ueno. C’est un roman sur un homme âgé sans domicile fixe qui s’installe dans un parc de Tokyo. Dans l’activité du quotidien, perce des moments de beauté autour du fait de se nourrir, de se vêtir, ou encore de la nécessite de déplacer et de reconstruire sa cabane… Pendant les réminiscences de sa vie d’avant, percent toutes les joies et peines de nos existences. C’est à la fois pudique et très fort.
L’épopée de Romain Lucazeau intitulé Latium (2016). Quel futur voulons-nous ? Imaginer les futurs possibles, c’est aussi ce que font nos paysagistes d’aujourd’hui. Je n’étais pas très convaincu par la 4e de couverture mais mon libraire a insisté… avec raison ! L’auteur enrichit notre capacité d’imagination à travers la sienne et sa manière de raconter notre culture occidentale classique. Le paysage y joue un grand rôle comme aboutissement des désirs des uns et des autres.

 

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