Le Versailles de
Florent Quellier

Spécialiste d’histoire des cultures de l’alimentation et du végétal, il est professeur d’histoire moderne à l’université d’Angers. Découvrez « Le Versailles de » Florent Quellier.

Sa biographie

Spécialiste d’histoire des cultures de l’alimentation et du végétal, Florent Quellier est professeur d’histoire moderne à l’université d’Angers. Il est membre du conseil scientifique de l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation et du comité de rédaction de la revue Food & History. Intervenant régulier de la programmation culturelle « 1 an à Versailles » depuis 2013, il a notamment publié La Table des Français, une histoire culturelle (PUR, 2007, rééd. 2013), Festins, ripailles et bonne chère au Grand Siècle (Belin, 2015) et Histoire de l’alimentation. De la préhistoire à nos jours (Belin, 2021).

Ses coups de cœur 

  • Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ?
     

    J’ai un attachement particulier au Potager du Roi lié à mes années de thèse consacrées à l’arboriculture fruitière dans les campagnes parisiennes des XVIIe – XVIIIe siècles, à un goût pour l’histoire des jardins et du végétal. Les conduites fruitières n’y sont plus celles de l’Ancien Régime mais la structure si particulière du jardin, avec ses multiples murs, est parvenue jusqu’à nous, y compris une majestueuse grille du XVIIe siècle donnant sur la pièce d’eau des Suisses, et l’espace continue de produire fruits et légumes comme dans les années 1680. La première fois que j’ai visité la galerie des Cotelle, au Grand Trianon, j’ai été comblé de retrouver un coin du potager présent sur le tableau Vue de l’orangerie […] avec Vertumne et Pomone. À ma connaissance, il s’agit du seul tableau, contemporain de la création du potager par La Quintinie, offrant une vue de ce jardin à la fois d’ornement et de production.

Vue de l'Orangerie de Versailles, de la pièce d'eau des Suisses avec Vertumne et Pomone

© Jean Cotelle

Le lien vers le site collection

   

  • Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?

    La statue équestre de Louis XIV réalisée par Le Cavalier Bernin. Elle déplut à Louis XIV, fut retouchée par Girardon pour la transformer en Marcus Curtius se jetant dans les flammes et reléguée, en 1702, à l’extrémité de la pièce d’eau des Suisses. Son histoire, d’une commande de Colbert à son éloignement du château, témoigne de la faveur et de l’exil, deux notions essentielles pour saisir le fonctionnement de Versailles sous l’Ancien Régime. Elle nous renseigne sur le statut de l’artiste, en l’occurrence ici de premier rang, dans la France du XVIIe siècle, et illustre la victoire d’un art classique français sur un art baroque italien tourmenté, victoire que l’on retrouve également avec la colonnade Perrault du Louvre. Enfin, elle témoigne du souci du roi et de son entourage de gérer l’image officielle du souverain, une clef de lecture majeure pour comprendre le Versailles du Grand Siècle.    

  • Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux… Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?

    Une représentation de La Mère confidente de Marivaux par la Comédie-Française le 20 septembre 2001 à l’Opéra royal. Je me souviens de l’arrivée de nuit, la possibilité, alors, de se garer dans la cour du château, le palais éclairé, l’impression d’être convié à une fête, ou plutôt à un divertissement pour reprendre une formulation de la cour de France, d’avoir Versailles pour moi loin de la cohue habituelle des visiteurs, d’emprunter la galerie des rois, avec une agréable odeur d’encaustique, puis de pénétrer dans une véritable bonbonnière bleue et or avec, à l’entracte, la liberté de circuler dans la salle, les loges et les galeries de l’Opéra royal. Un Versailles non muséifié, un Versailles vivant avec, en prime, la langue de Marivaux et le talent des pensionnaires de la maison de Molière.      
     

SES CONSEILS DE LECTURE 

  • Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?

    Sans hésitation, la Manière de montrer les jardins de Versailles de la main même de Louis XIV. Versailles est né des jardins et de la volonté politique d’un jeune monarque. Les différentes versions du texte, six entre 1689 et 1705, soulignent l’implication personnelle et constante de Louis XIV dans le domaine de Versailles, les contraintes techniques du site pour faire jouer les eaux et l’approche absolutiste du paysage puisque nous sommes toujours dans le regard et les pas du maître des lieux. En quelques paragraphes très courts, l’essentiel est dit. À plusieurs reprises, j’ai proposé à mes étudiants une visite guidée des jardins de Versailles, et à chaque fois je l’ai assurée avec, à la main, un exemplaire de la Manière de montrer…, l’édition de la Réunion des musées nationaux par Simone Hoog. 

  • Classique, récit d’aventures, beau-livre… Incontournable de votre bibliothèque ou récente découverte, auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?

    Christophe Fouin, Thomas Garnier, Christian Milet et Didier Saulnier, Le Château de Versailles vu par ses photographes, Paris, Albin Michel 2016. Un beau livre, format à l’italienne, réalisé par les photographes officiels du Château. Ces derniers proposent des photographies pleine- page accompagnées de très courtes légendes tel un album de photographies de famille. Et c’est bien dans une intimité qu’ils nous introduisent, celle de leur regard sur leur château à travers les heures du jour, le ciel changeant d’Île-de-France et la course des saisons. Une approche intime, quasiment sensuel d’un palais déserté de tout visiteur et néanmoins profondément vivant grâce à la lumière et aux ombres sur les parquets et les marbres, à un détail d’une marqueterie ou d’une boiserie, ou à la façade déformée du Château vue à travers la vitre d’une fenêtre… Versailles a été particulièrement photographié et pourtant, à chaque page, on découvre une photographie jamais vue ailleurs. Une fois le livre refermé, demeure l’envie de retourner à Versailles, de s’approprier son Versailles.