Le Versailles de
Bruno Bentz

Archéologue et spécialiste de Marly, il est responsable d’opération sur des fouilles archéologiques depuis 1985. Découvrez « Le Versailles de » Bruno Bentz.

Sa biographie

Docteur en archéologie et professeur des écoles, Bruno Bentz est archéologue - responsable d’opération sur des fouilles archéologiques depuis 1985 : fouilles du parc de Marly (1985-1992), du parc de Versailles (1990), du parc de Noisy (2017-2021) et prospection de la machine de Marly (2019-2021). Il est depuis 2007  directeur de la revue Marly, art et patrimoine éditée par l’association des Amis du Musée-Promenade de Marly le Roi – Louveciennes. Depuis 2011, il intervient régulièrement dans le cadre de la programmation culturelle « 1 an à Versailles ».

Ses coups de cœur 

  • Versailles émerveille le visiteur, mais bien souvent chacun s’attache à un lieu plus qu’à un autre ; lequel est-ce pour vous ? Pourquoi ?

Le bosquet de l’Encelade est le lieu que je connais le mieux car nous y avons retrouvé, en 1990, les premiers vestiges des fouilles archéologiques de Versailles. Il ne restait plus rien des treillages et des décors d’origine qui entouraient le bassin. Sous une dizaine de centimètres de terre sont réapparus les dés et les bases en pierre avec leurs piquets de fer scellés au plomb, ainsi que de quelques rocailles abandonnées parmi les remblais. C’est un privilège et une chance incroyable de revoir, trois siècles après leur création, un décor disparu, d’autant que les vestiges (qui ont permis de restituer précisément la position de la galerie) ont aussitôt disparu de nouveau lors de la reconstruction que l’on peut visiter désormais. Cette fouille a été le départ des campagnes de fouilles systématiques réalisées par le château sous la direction d’Annick Heitzmann.

  • Au détour d’une salle ou d’une allée, une peinture, une sculpture ou un objet a retenu votre attention ; quel est-il ? Que représente-t-il pour vous ?

Vous ne m’en voudrez pas, j’espère, de chercher ici et là tout ce qui peut provenir du château et des jardins de Marly ! Quelques meubles dont la belle commode par Riesener commandée pour l’appartement de Marie-Antoinette ou les tabourets du grand salon (uniques meubles de l’époque de Louis XIV) sont conservés dans les collections du château. Quelques peintures également avec une vingtaine de tableaux de la série des Conquêtes de Van der Meulen pour les appartements et les vestibules du rez-de-chaussée du château de Marly. Sur le parterre nord, vous pouvez admirer la Vénus accroupie d’après Coysevox : ce magnifique bronze avait été placé à Marly en 1701 dans les jardins hauts près du Belvédère.

Commode de la Chambre de Marie-Antoinette à Marly

© RMN-GP (Château de Versailles) / © Gérard Blot

Le lien vers le site collection

 

  • Nos premiers pas dans la galerie des Glaces, l’eau jaillissant des Grandes Eaux… Chacun d’entre nous possède un souvenir de Versailles plus fort que les autres. Lequel est-ce pour vous ?

Une visite souterraine des jardins de Versailles est un moment inoubliable : les galeries du réseau hydraulique conduisent en des lieux vraiment étonnants comme les réservoirs sous le grand parterre ou les entrailles du bassin de Latone. Il faut imaginer la complexité de la mécanique des eaux dont le squelette de fonte, de bronze et de plomb assure la distribution. Les ouvrages d’origine sont précieusement conservés et entretenus par le service des Fontaines du Château. C’est en suivant ses équipes que j’ai eu le bonheur un jour de découvrir les coulisses de la grotte d’Apollon ou de surgir tout à coup, après un long périple dans l’obscurité, au milieu des promeneurs sur la terrasse du Château !

SES CONSEILS DE LECTURE

  • Versailles se raconte à travers des milliers de pages, des mémoires les plus anciens aux livres d’art les plus récents. Quel est pour vous le livre incontournable sur Versailles ?

Madeleine de Scudéry pour l’authenticité, Saint-Simon pour le grand style, certainement, nous font revivre les grandes heures de Versailles. Mais pour pénétrer les appartements ou suivre Louis XIV dans ses jardins en 1700, à l’apogée du règne, il faut suivre la Nouvelle description de Piganiol de la Force qui décrit en détail chaque tableau et chaque statue, sans oublier d’accorder la place qu’il convient à La Ménagerie, Trianon… et Marly ! Avec un certain sens de l’histoire, il introduit son récit en soulignant que « ce superbe palais » fera « l’admiration des siècles à venir et la merveille du nôtre ». Faire aujourd’hui l’archéologie du château de Versailles, c’est aussi tenter de retrouver dans les livres ce qu’il reste de l’architecture et des décors du XVIIe siècle dont nous parlent les contemporains.

  • Classique, récit d’aventures, beau-livre… Incontournable de votre bibliothèque ou récente découverte, auriez-vous un conseil de lecture à nous donner ?

Je vous conseille, sans hésiter, de vous plonger dans la remarquable édition des albums aquarellés des jardins de Versailles, Trianon et Marly, dont les orignaux de 1711 et 1713 sont conservés à la Bibliothèque de l’académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg. Les plans sont du dessinateur Pierre Lepautre. C’est d’ailleurs l’unique album des jardins de Versailles réalisé à l’époque de Louis XIV. Commandés par le duc d’Antin et offerts à Pierre Le Grand lors de son séjour en France en 1717, c’est aujourd’hui encore l’un des trésors de sa bibliothèque. L’éditeur, CM-Exceptions, a réalisé en 2018 une luxueuse reproduction des 49 plans pliés et reliés au format d’origine (355 x 495 mm). À regarder sans modération !