Charles Antoine Coypel, peintre de cour
Issu d’une dynastie de peintres, Charles Antoine Coypel (1694-1752) mena une carrière prestigieuse auprès de la famille royale et de son entourage. Directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Premier peintre du duc d’Orléans puis du roi, ainsi que garde des tableaux et dessins de la Couronne, il jouissait notamment de la faveur de la reine Marie Leszczynska, pour laquelle il réalisa plusieurs compositions religieuses destinées à ses cabinets de Versailles. Il travailla également pour la dauphine Marie-Josèphe de Saxe. En revanche, la marquise de Pompadour, favorite de Louis XV, ne semble pas lui avoir passé de commande directe ; elle acquit toutefois, sur le marché de l’art, un tableau de jeunesse de l’artiste, Les Jeux d’enfants à la toilette, inventorié à sa mort dans son appartement du château de Versailles.
L’œuvre, exécutée en 1728, figurait en 1731 dans les collections du conseiller d’État Louis Fagon parmi plusieurs autres tableaux de Coypel. Les circonstances de son entrée dans les collections de madame de Pompadour ne sont quant à elles pas connues. On le retrouve toutefois mentionné dans l’inventaire dressé après la mort de la marquise, en 1764, parmi les « Tableaux, dessins, estampes rapportées de Versailles au dit Hôtel de Pompadour [c’est-à-dire l’hôtel d’Évreux, aujourd’hui palais de l’Élysée] ». Si la référence à « Versailles » reste vague, elle paraît désigner les œuvres conservées par la marquise dans son appartement du rez-de-chaussée du château.
À la mort de la favorite, le tableau revint à son frère et hériter, le marquis de Marigny, qui le conserva toute sa vie. Après son décès, l’œuvre suivit un parcours documenté sur le marché de l’art, apparaissant dans plusieurs ventes publiques entre 1886 et 1999.
Une iconographie aussi légère que subtile
Les Jeux d’enfants à la toilette s’inscrivent dans le goût de la marquise pour les représentations de l’enfance, illustré dans son appartement de Versailles par des toiles de Jean-Baptiste Greuze et de François-Hubert Drouais. Mais, à la différence de la vision intime et attendrie que proposent ces derniers, Coypel en offre une interprétation joyeuse, humoristique et volontiers licencieuse. Ses figures enfantines, conçues à la manière de putti engagés dans des situations inappropriés à leur âge, ne traduisent pas tant une image de l’enfance qu’une satire de la cérémonie aristocratique de la toilette.
Jeux d’enfants à la toilette, Charles Antoine Coypel, 1728, huile sur toile © Château de Versailles, Dist. RMN © Christophe Fouin
Coypel, qui se moque également de la vanité féminine dans d’autres compositions, reprend ici tous les poncifs des représentations de femmes à leur toilette, tant dans le décor que dans le choix des accessoires — miroir, palette à fard, mouches, etc. Les trois personnages masculins disposés autour du groupe central — un homme de loi, un gentilhomme et un abbé de cour — confèrent à la scène une dimension sociale et galante, empreinte de séduction. Le personnage de l’émissaire portant une lettre suggère d’ailleurs la présence d’un admirateur absent, destinataire implicite de l’attention que la figure principale consacre à son apparence.
Dans la même veine satirique, les trois personnages du premier plan moquent le goût pour les modes. Le peintre joue sur l’échelle des protagonistes – celui de droite porte un jupon en guise de robe – ou sur l’absence d’un élément du vestiaire – comme le jupon, à gauche – pour susciter le rire et renforcer l’esprit caricatural de la scène. Quant au personnage assis, il tourne en ridicule le succès des mouches, une coquetterie particulièrement prisée au XVIIIe siècle.
Cette toile, la première de la collection de madame de Pompadour à revenir à Versailles, sera exposée dans son appartement au second étage du château.





